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30 octobre 2017 | י חשון התשעח
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Yossef Charvit, écrivain et historien du judaïsme du Maghreb

Livre yossef charvitAprès plusieurs ouvrages scientifiques en français et en hébreu sur le judaïsme nord-Africain et francophone, le Dr Yossef Charvit publie sa première nouvelle historique, sorte de poème en prose contant les crises et moments forts qui ont animé le judaïsme algérien, avant l’immigration de cette communauté qu’il qualifie de plus occidentale qu’orientale.

Le Dr Yossef Charvit enseigne l’histoire des Juifs de France, d’Afrique du Nord et du Maghreb francophone à l’université Bar Ilan. Il écrit actuellement un livre sur le rabbin Léon Ashkenazi (Manitou).

Israpresse : Après une dizaine d’ouvrages scientifiques, qu’est-ce qui vous a poussé à écrire une nouvelle ?

Yossef Charvit : Je suis historien et je fais principalement des recherches historiques sur le monde juif nord-africain et francophone. Mais tout dernièrement j’ai décidé d’écrire un roman historique, une nouvelle que j’ai appelée Vékhol Gaï Yinassé (Que toute vallée soit exhaussée, Isaïe 40:4), pour m’exprimer de façon littéraire et pas seulement scientifique. Je conte de façon colorée la biographie du rabbin Yossef Renassia (1962-1879).

IP : Le héros de votre livre était également votre grand-père ?

YC : Le rabbin Yossef Renassia était effectivement mon grand-père, mais je ne l’indique pas dans l’ouvrage. J’ai préféré conter son histoire incognito. Juge rabbinique (Dayan, NDLR) de Constantine, le rabbin Renassia était un homme très fécond, qui a écrit 137 livres. En même temps, il a eu un grand impact sur la vie juive en Algérie. C’était un grand amant de Sion. Il voulait monter en Israël et a réalisé son rêve à la dernière minute de sa vie, trois semaines avant sa mort. Il est enterré à Dimona.

Le rabbin Yossef Renassia a fait face à plusieurs défis en Algérie, que je décris à travers une lettre imaginaire qu’il envoie à son fils. Ce roman permet de découvrir l’univers des Juifs d’Algérie pendant la période française. Il y a eu un grand bouleversement et un important approfondissement du judaïsme. C’est précisément à travers l’assimilation et la rencontre avec la France que les juifs d’Algérie, qui étaient déjà français, sont devenus beaucoup plus critiques et profonds dans leur analyse de tout ce qu’ils vivaient.

J’ai écrit sa vie en hébreu précisément pour que l’ouvrage soit orienté vers le public israélien, car tout mon travail de recherche est essentiellement en hébreu pour lui faire connaître cette civilisation.

IP : Le judaïsme d’Afrique du Nord n’est pas assez connu en Israël ?

yossef charvitYC : De manière générale, les Israéliens sont plutôt axés sur le monde anglo-saxon. Le monde francophone n’est pas mis en exergue dans le monde académique. La francophonie n’est pas assez connue. Il faudrait y remédier, car elle constitue une approche très différente de celle du monde anglo-saxon. Le monde francophone devrait être plus en devant de la scène universitaire, car il pourrait beaucoup contribuer à la société israélienne.

Avec la grande Alya qui va se faire de France, je voudrais créer une chaire à l’université de Bar Ilan, une sorte de centre académique et scientifique de l’histoire des juifs d’Afrique du Nord et de la francophonie de manière générale.

IP : Comment expliquez-vous le peu de place du judaïsme nord-africain en Israël ?

YC : Les juifs d’Algérie ne sont pas montés en masse en Israël comme tous les juifs orientaux et ont donc été très mal vus par la société israélienne, qui leur reprochait d’avoir immigré vers la France, oubliant selon eux le sionisme. Il y a même eu un procès public en 1963 de l’Agence juive contre les juifs d’Algérie.

En fait, cette approche est erronée. Le judaïsme algérien était très occidental. Il était aussi oriental, mais pendant 132 ans, il était sous la tutelle française et ils sont devenus des Français à part entière. On peut donc voir autrement la réalité : les juifs d’Algérie sont la communauté occidentale dont la plus grosse proportion a immigré en Israël. Les juifs d’Amérique, de France ou d’Angleterre sont très peu nombreux à être montés.

Les juifs d’Algérie ont certes pour la plupart immigré en France en 1962 : 11 % en Israël, 89 % en France. Au lendemain de la guerre des Six Jours, 5 ans après s’être bien établis en France, plus de 20 % de Juifs d’Algérie sont montés en Israël. C’était l’Alya de Manitou (le rabbin Léon Ashkénazi, leader des années 70 en Israël), de mon père, le rabbin Michaël Charvit, et d’autres personnages qui ont énormément influencé la société israélienne.

Aujourd’hui, on peut dire que le leadership sioniste religieux qui mène la barque de la société israélienne est composé de juifs d’Algérie : les rabbins Ouri Cherki, Eliyahou Zini, Zékharia Zermati, etc.

Propos recueillis par Yaël Ancri