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30 octobre 2017 | י חשון התשעח
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Sport et religion, terrains mouvants

2015.07.09_naama_sheer_religion_sport_pratique

Naama Shafir. Crédit photo: Youtube

La commission parlementaire de l’éducation s’est penchée sur le dossier de la discrimination exercée contre les sportifs respectueux de l’observance du shabbat à la demande du député Miki Zohar (Likoud). Un débat auquel a participé Avishaï Bart, tireur professionnel israélien contraint de renoncer à la finale du championnat national de sa discipline en raison de sa programmation prévue le jour du repos sacré, à savoir le samedi 27 juin. Déjà victime la saison dernière de la même mésaventure, le jeune homme a déposé une plainte cette année auprès du tribunal du sport pour essayer de faire bouger les lignes. Avant lui, beaucoup se sont retrouvés face au dilemme du respect des commandements divins et celui des exigences liées à la pratique du sport.

Avraham Ytzhak Hacohen Kook, premier grand rabbin ashkénaze de la Terre d’Israël encore sous mandat britannique, considérait la pratique du sport en Terre sainte comme « l’expression d’une renaissance nationale » (Les lumières de sainteté, livre 3, chapitre 54). Dans un article paru le 8 octobre 1926 dans la revue Daar Hayom, le chef spirituel du courant sioniste religieux écrivait ceci en réponse à l’organisation d’une rencontre de football du mouvement « Maccabi » à Jérusalem: « L’organisation « Maccabi » constitue l’un des piliers du mouvement de renaissance du peuple juif sur sa terre […] Nous devons participer au renforcement physique du peuple. Dans le même temps, la pratique du sport ne doit pas conduire à la profanation du shabbat. Cela ne nous empêche pas toutefois de considérer la pratique du sport en Terre d’Israël comme relevant d’une pratique sainte. »

Shabbat ou sport? Shabbat et sport? Ces deux questions ont parcouru les âges et les générations. Le dilemme a perduré au fil des athlètes désireux d’assouvir leur passion, d’atteindre leurs objectifs, mais aussi de respecter les commandements divins. « Tout est possible si on en a la volonté, je dirais même qu’en agissant de la sorte, nous participons à la sanctification du nom de Dieu. Nous montrons au monde la profondeur du peuple juif », déclarait, en 2008, le rabbin Rafael Halperin disparu en août 2011. Le rabbin Halperin avait effectué dans sa jeunesse des compétitions professionnelles de body-building. Il a même eu l’honneur d’être élu « Mister Israël » en 1950. Lors des décennies suivantes, le fondateur de la chaîne de magasins d’optique « Halperin » était même une star de catch aux États-Unis. « Le sport m’a doté d’un fort pouvoir de concentration. J’ai acquis une force intérieure. J’ai parcouru le monde entier mais je n’ai jamais renoncé à mes convictions », déclarait-il.

Sauf que pour Avraham Zokhman, ancien membre de l’équipe nationale israélienne de basket et de volley dans les années 70, « être religieux et sportif relève de l’exploit. » « Si un athlète professionnel parvient à intégrer l’une des sélections nationales tout en gardant les commandements imposés par Dieu, je lui tire mon chapeau. C’est très difficile », affirme celui qui a refusé de s’envoler avec ses coéquipiers de la sélection espoir de basket en raison de la programmation de plusieurs matchs prévus le jour du shabbat.

Naama Shafir, le contre-exemple

Pourtant, quasiment trente ans plus tard, une femme a relevé le défi « impossible » aux yeux de l’ancien joueur de basket. Son nom: Naama Shafir. Le parcours de la jeune basketteuse de 25 ans ressemble à de nombreuses autres championnes de sa génération. Son talent s’est baladé sur les parquets des universités américaines. Aux États-Unis, elle fréquentait la faculté de Toledo de l’État de l’Ohio. La native de Mitzpe Hochaya en Galilée a enchaîné là-bas 139 matchs comme titulaire dans le 5 majeur de l’équipe. Elle a aussi été élue meilleure joueuse de la finale du tournoi WNIT (compétition universitaire disputée avant et après la saison régulière) grâce à ses 40 points marqués lors de cette rencontre disputée en 2011. Pour profiter au mieux du potentiel de ce diamant brut, les dirigeants de la faculté ont adapté le calendrier de sa saison aux besoins religieux de la joueuse israélienne et a accepté de la voir jouer avec un tee-shirt et des bas sous son débardeur et son short. Naama Shafir a en effet grandi dans une famille pratiquante et observante de la tradition juive. « Il était pour moi hors de question d’en arriver à profaner le shabbat ou de renoncer aux règles liées à la pudeur féminine. J’aime mon sport. Mais Dieu passe avant », affirme-t-elle.

Et quatre ans après son passage réussi aux États-Unis, Naama s’est de nouveau retrouvée à faire un choix entre le respect des lois juives et pouvoir participer aux rencontres éliminatoires du prochain championnat d’Europe. Un dilemme vite résolu grâce à l’intervention du directeur des bureaux de la fédération israélienne de basket Yaacov Benshoushan auprès des autorités de la FIBA (Fédération internationale de basket). La joueuse a finalement été autorisée à évoluer avec des bandes de sparadraps qui recouvriront la plus grande partie de ses épaules.

Avichaï Bart prêt à défier les instances du sport

Avichaï Bart en pleine exercice. Crédit photo: Youtube

Avichaï Bart en pleine exercice. Crédit photo: Youtube

Cependant, les instances du sport en Israël ne sont pas aussi tolérantes que les dirigeants de la Fédération de basket. En 2012, l’Union nationale d’escrime a intentionnellement programmé toutes ses compétitions le samedi. Les rencontres de football de première division sont aussi programmées le jour du repos sacré.

Une situation contestée par Avichaï Bart. Le tireur israélien a ainsi déposé plainte fin juin auprès du tribunal du sport pour obliger les fédérations du pays à ne plus programmer leurs finales le jour du shabbat. Il faut dire que le jeune homme n’a pas pu participer à la phase ultime du championnat pour la deuxième année consécutive. « Lorsque les sportifs pratiquants parviennent à atteindre le plus haut niveau, les fédérations multiplient les obstacles en programmant notamment les compétitions le shabbat. Nous ne combattons pas à armes égales. Il faut que cela change », affirme-t-il.

Et la révolution passe peut-être par cette proposition de loi déposée par le député Likoud Miki Zohar. La commission parlementaire de l’Education a discuté du texte qui vise « à mettre un terme à la discrimination des sportifs religieux dans les compétitions de sports en Israël. » « Nous vivons dans un État juif et démocratique. Comment se fait-il que dans mon pays, il m’est impossible de respecter le shabbat comme il faut? Ce n’est pas logique. Je suis aujourd’hui député et mon objectif est de permettre à toutes les personnes désireuses d’observer le repos sacré de pouvoir continuer à le faire sans subir la contrainte laïque », a déclaré mardi dernier le parlementaire du grand parti de droite.

La ministre des Sports Miri Reguev a assuré qu' »elle soutiendrait les athlètes pratiquants dans leur lutte face aux fédérations sportives. » « C’est une situation injuste et qui porte atteinte à l’égalité des droits », a déclaré la ministre Likoud.

Jonathan SERERO