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30 octobre 2017 | י חשון התשעח
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Rencontre avec Marc Sellem, photographe vedette

Le photographe en chef du Jerusalem Post Marc Sellem, connu pour être l’auteur du cliché de la « moustache » d’Angela Merkel sous le doigt de Bibi, publie un livre de ses meilleures photos. C’est avec un sourire chaleureux, un regard pétillant et une énergie débordante qu’il retrace avec nous l’épopée de cet ouvrage de 200 pages, et nous livre les secrets de ces « photos qui décoiffent ».

IsraPresse : Comment l’histoire Marc Sellem a-t-elle commencé ?

Crédit photo: Marc Sellem

Crédit photo: Marc Israël Sellem

Marc Sellem : A l’âge de 12 ans, ma mère me dit « Allez Marco, maintenant tu es grand, il va falloir que tu nous aides à faire le ménage de Pessah ». J’ai été m’occuper du cagibi, et en l’ouvrant je trouve un sac plastique assez lourd. Je découvre un appareil photo, avec plusieurs objectifs. J’ai commencé à faire des photos avec cet appareil, mais comme il était entièrement manuel, toutes les photos sont sorties floues. Je l’ai quand même gardé dans ma chambre, et c’est devenu une passion. Il m’a permis d’apprendre, de me former, et je me suis forgé moi-même une culture photographique. En l’an 2000, j’ai fait une photo de la rue Ben Yehouda sous la neige, qui est à la fin du livre, et elle m’a permis d’entrer dans le staff, et de devenir le photographe du Jerusalem Post.

IP: Justement, vous vous amusez à écrire sur votre profil Facebook, sous la mention « a étudié à » : « Ecole de la vie ». En quoi cette approche vous influence dans votre travail ?

Crédit photo: Marc Sellem

Crédit photo: Marc Israël Sellem

Marc Sellem : Je n’ai pas eu de formation photographique, tout ce qui concerne mon activité en tant que photographe est autodidacte. Mon seul regret est de n’avoir pas étudié la photo, parce que je serais meilleur aujourd’hui. Mais j’ai la chance d’avoir un ami photographe qui me fait des feed-backs et me donne des conseils précieux. Il est difficile de s’autocritiquer, alors je demande à cet ami collègue de le faire, pour ne pas stagner et m’améliorer.

IP: Quel est votre meilleur moment photo ?

Marc Sellem : (Rires) Bon, la fameuse photo Bibi-Angela Merkel avec la moustache est un instant volé qui m’a apporté énormément. L’histoire est étonnante parce qu’à la base je ne voulais pas aller à cette conférence de presse, je devais suivre le président, mais m’y suis finalement rendu. Arrivé le premier, je m’installe en face de Bibi et Merkel, tous les photographes étaient sur le côté donc n’avaient pas cet angle. Il lève son doigt une fraction de seconde, et la moustache est là. La photo n’était pas censée être publiée par le Jerusalem Post, mais un stagiaire de Maariv l’a postée sur Facebook, et on n’a juste pas pu la stopper. Je me suis retrouvé submergé de coups de téléphone et d’interviews depuis les quatre coins du monde.

Crédit photo: Marc Israël Sellem

Crédit photo: Marc Sellem

Au niveau photographique, je me souviens aussi d’une photo que j’ai prise le jour de la Nakba dans un village arabe près de Jérusalem. J’y rentre parce qu’il y a des échauffourées, avec gilet pare-balles et casque. Là j’entends des cris, vois un début de feu dans un bâtiment, et appelle de l’aide. Il se passe alors une chose invraisemblable : les Israéliens qui tiraient des balles en caoutchouc d’un côté, et les Palestiniens qui jetaient des pierres de l’autre, s’arrêtent. Israéliens et Palestiniens, qui se battaient quelques secondes avant, s’unissent pour sauver les gens emprisonnés dans la maison en feu. Un policier israélien intervient pour sortir l’enfant du feu, et je suis là au bon moment. Clack ! Je fais ma photo. Ce qui est marrant c’est qu’une semaine après je reçois un appel du porte-parole de la police me demandant cette photo : une organisation de gauche les accusaient d’avoir jeté une grenade dans la maison et causé le feu. Je lui ai envoyé les deux photos que j’avais prises avant que les policiers ne débarquent sur les lieux, qui montraient qu’aucune fenêtre ou porte n’étaient enfoncées, donc prouvaient que la police n’avait rien pu jeter depuis l’extérieur. Cette histoire résume exactement le conflit : on se bat, dès qu’il y a un gros danger on va sauver les enfants, mais il y aura toujours quelqu’un pour dire que les Israéliens ne sont pas éthiques.

IP: On a beaucoup parlé de cette photo de Binyamin Netanyahou et Angela Merkel. Quelles sont vos relations avec le Premier ministre ?

Crédit photo: Marc Sellem

Crédit photo: Marc Israël Sellem

Marc Sellem : (Rires) C’est rigolo, les gens sont persuadés que je le connais, qu’on est potes, qu’on s’organise des barbecues. Et ben non ! Mais quelques mois après cette fameuse photo, à Rosh HaShana, je me suis retrouvé en huis clos dans son bureau et après la formule de politesse que je lui adresse pour la nouvelle année, il me dit « Oh ! C’est toi, Marc ! ». Il se lève et me demande comment je veux qu’il pose avec son doigt: sur le front, dans l’œil… sans me laisser le photographier et en me faisant un one man show assez drôle. Son conseiller m’a d’ailleurs confié que la première fois qu’il a vu la photo de la moustache, Bibi a éclaté de rire.

IP: Qu’est-ce que vous détestez photographier ?

Marc Sellem : Les enterrements, les attentats, les guerres. Lors de la dernière guerre Bordure protectrice, je rentrais chez moi en pleurant, après avoir vu des atrocités, presque été tué, vu des missiles passer au dessus de ma tête. Et le pire est d’entendre la souffrance des gens, lorsqu’on va à un enterrement et qu’on entend la personne hurler de douleur alors qu’on doit justement prendre en photo ce moment, on ne se sent pas comme quelqu’un de bien. Il y a un enterrement que je n’oublierai jamais… (très ému), on était à Rishon Lezion, et cette femme qui perd son deuxième fils se met à genou et essaie de rentrer dans la tombe avec lui. Tous les photographes se regardent, les larmes aux yeux, et on se dit qu’on ne photographie pas. C’était trop, on ne peut pas photographier un truc pareil.

IP: Comment vous positionnez-vous par rapport à la photo choc à tout prix, et à l’éthique des photographes de plus en plus discutable ?

Crédit photo: Marc Israël Sellem

Crédit photo: Marc Israël Sellem

Crédit photo: Marc Sellem

Crédit photo: Marc Sellem

Marc Sellem : C’est très simple, si la famille demande à ce qu’on ne photographie pas un enterrement, je m’en vais. Certains sont sans scrupules et continuent à prendre des clichés, comme lorsqu’un bébé a été tué lors d’un attentat à la voiture bélier à Jérusalem. La mère, en larmes, nous supplie de ne pas photographier, et la quasi-totalité des photographes sont partis. Sauf deux, à qui on a ensuite fait la fête. Un peu de respect.

https://members.jpost.com/IsraelinFocus/IsraelinFocus.aspx

Propos recueillis par Sarah Lalou Lessing