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30 octobre 2017 | י חשון התשעח
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Festival d’Angoulême : rencontre avec des artistes israéliens

bdLe festival international de la bande dessinée d’Angoulême est le principal festival de bande dessinée francophone et certainement le plus important d’Europe. Tous les ans au mois de janvier, les visiteurs peuvent assister à des débats, des rencontres et de nombreuses séances de dédicace ou des expositions. Les principaux auteurs francophones sont présents, ainsi que de nombreux artistes du monde entier. Les artistes israéliens ne font pas exception. En 2014, l’artiste israélienne Rutu Modan a reçu le Prix spécial du jury pour « La propriété » (Actes Sud), et l’album « K.O à Tel Aviv 2 » (Steinkis) de son compatriote Asaf Hanuka était dans la sélection officielle l’année suivante. Si cette année aucun album israélien n’a été sélectionné, les artistes israéliens Koren Shadmi et Asaf Hanuka seront au rendez-vous pour présenter leurs nouveaux romans graphiques. Rencontre croisée avec les deux artistes.

Lors de cette édition 2016 du festival, l’israélo-américain Koren Shadmi dévoilera un nouvel album, « Love Addict, confessions d’un tombeur en série » (Ici Même) qui pose la question des rencontres via Internet et de la dépendance que cela entraîne chez K. son héros. Entre espoirs amoureux et intoxication numérique, Koren Shadmi donne ici, au fil des rendez-vous, quelques réponses, pleines d’humour, de sincérité et parfois, aussi, de cynisme. Asaf Hanuka, quant à lui, continue d’explorer Tel Aviv dans le troisième tome de sa série « K.O à Tel Aviv » (Steinkis) et nous retrouvons le citoyen désenchanté, le mari subjugué, le propriétaire dépité, l’artiste dubitatif et le père fusionnel et angoissé des deux tomes précédents.

Israpresse : Koren Shadmi, Asaf Hanuka, qui êtes-vous et comment êtes-vous devenus auteur de BD ?

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Love Addict, confessions d’un tombeur en série, Koren Shadmi (Editions Ici Même)

Koren Shadmi : Quand j’avais 9 ans, j’ai commencé à aller au cours de BD de Uri Fink (illustrateur israélien, NDLR) à Raanana. À 18 ans, je pensais que je serai auteur de bande dessinée, et vers la fin de l’armée j’ai décidé que je voulais étudier à New York. J’ai étudié au School of Visual Arts le dessin, discipline que je maîtrisais moins et j’ai pensé qu’il serait intéressant de me focaliser dessus. À 21 ans, j’ai déménagé à New York. Les études m’ont ​​aidé à me concentrer et comprendre ce qui est nécessaire de créer pour réussir dans ce milieu. Le monde de l’illustration et du comics, comme le monde de la photographie, est très compétitif, et à l’école vous apprenez à développer votre propre langage. Je savais dessiner avant, mais les études m’ont aidé à m’améliorer et à me pousser à un niveau plus élevé.

Asaf Hanuka : J’ai rencontré Michel Kishka (dessinateur d’origine belge et enseignant aux Beaux-Arts, NDLR) à l’âge de 18 ans, et avec lui j’ai découvert la bande dessinée belge et française alors que jusque-là je ne connaissais que la BD américaine. Cette rencontre a changé beaucoup de choses pour moi. Les comics français racontent la vie et la réalité et sont beaucoup plus variés, ce n’est pas de la fantaisie, ou seulement des muscles. J’ai décidé que c’est ce que je voulais tenter et apprendre. J’ai étudié les arts appliqués, le dessin et l’animation à l’école Émile Cohl à Lyon. J’ai vécu quatre ans à Lyon puis un an à Paris.

Israpresse : Quel accueil ont reçu vos livres en France? 

Koren Shadmi : La plupart de mes livres sont sortis en France, et ce livre en particulier - « Love addict » - y est sorti avant tous les autres pays en Europe et même aux États-Unis. Les critiques sont généralement positives, même pour ce livre qui est plus controversé. Il y a probablement quelque chose dans mon style de dessin qui est très français, je suis très influencé par un certain nombre de bandes dessinées d’artistes français, comme Bluch et Nicolas de Crécy.

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K.O à Tel Aviv 3, Asaf Hanuka (Editions Steinkis)

Asaf Hanuka : Ce livre-ci est le troisième tome de « K.O à Tel Aviv ». Il y a 5 ans, le premier a été traduit en serbe, coréen, anglais, espagnol, allemand, etc., et bien sûr en français.  Je suis très heureux des critiques des lecteurs, qui se sentent proches de moi, de ma vie à Tel Aviv, de mes enfants, mes problèmes. À un moment par exemple, je raconte que mon fils de 8 ans doit se cacher dans un abri et j’ai découvert que ces choses intimes et personnelles sont universelles et quelqu’un quelque part en France lit quelque chose qui peut lui arriver et qui lui importe. Le souci de préserver ses enfants ou alors se retrouver dans les problèmes financiers que je rencontre pour boucler le mois est vraiment quelque chose qui touche chacun de nous, peu importe où il se trouve.

Israpresse : Présenter vos livres au Festival d’Angoulême, est-ce une fierté en tant qu’Israélien ? 

Koren Shadmi : Je me sens israélo-américain, entre les deux. Avec les années, je suis devenu moins israélien dans ma façon de parler, et peut-être de voir le monde, mais il y a un noyau israélien qui ne changera jamais. […] Les Américains ont tendance à être plus optimistes et naïfs, les Juifs sont plus négatifs et ont un sens de l’humour fataliste. Il y a aussi quelque chose de moins réprimé chez les Israéliens. Je sens que je suis quelque part entre les deux mondes. Je viens au Festival en tant qu’artiste, et pas comme un représentant d’Israël ou des États-Unis, pays dans lesquels j’ai vécu, mais que je n’ai pas senti comme un endroit que je devais représenter avec dignité. Les États-Unis ne se soucient pas s’ils sont représentés à un festival de la bande dessinée en France, et en Israël il ne me semble pas que quelqu’un s’en soucie aussi. Ce qui est important, c’est l’impression que le livre fera au lecteur.

Asaf Hanuka : Je vais à ce festival depuis 20 ans. J’y vais depuis que je suis étudiant, et ces dernières années j’y vais avec mes livres. Je rencontre des gens que je connais depuis des années de toute l’Europe, je revois des collègues, on se raconte, on se met au courant, c’est une grande fête. Il y a les signatures, les débats, des conférences, ce qui est aussi un plaisir. La politique en France est très vivante, les gens ne s’offusquent pas d’en parler. Il y a parfois des débats sur Israël, mais aussi de la désinformation et je sens que j’ai une mission en arrivant, représenter le pays. Israël c’est aussi des gens comme moi qui ont du mal à finir le mois, qui veulent la santé pour leurs enfants. J’ai des collègues français, des amis français, j’aime la culture française, mais je suis 100 % Israélien.

Propos recueillis par Nelly Ben Israël

 

Clip du Festival réalisé par Jérémie Moreau